Les arrêtés de péril en copropriété
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17 décembre 2025
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Les arrêtés de péril en copropriété

Tom Lemeille

Article publié le 17 décembre 2025

Un courrier de la mairie avec les mots "arrêté de péril" qui atterrit dans la boîte aux lettres du syndic. Avouons-le : c'est le genre de nouvelle qui fait l'effet d'une douche froide. Risque d'effondrement, évacuation, travaux d'urgence, suspension des loyers... Le scénario catastrophe ? Pas forcément. Mais une situation qu'il vaut mieux comprendre pour bien réagir.

L'arrêté de péril : de quoi parle-t-on exactement ?

L'arrêté de péril est une décision administrative prise par le maire (ou le président d'intercommunalité) lorsqu'un immeuble présente un danger pour la sécurité de ses occupants ou du voisinage. Il est encadré par les articles L.511-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation.

Concrètement, c'est le signal d'alarme officiel : l'immeuble est en mauvais état, et il faut agir. Mais tous les périls ne se valent pas. La loi distingue deux niveaux de gravité, avec des procédures et des délais très différents.

Péril ordinaire vs péril imminent : deux scénarios, deux urgences

C'est un peu comme la différence entre une fuite d'eau sous l'évier et une canalisation qui explose : dans les deux cas il y a un problème, mais le niveau d'urgence n'est pas le même.

Le péril ordinaire : grave, mais pas immédiat

L'arrêté de péril ordinaire concerne les désordres sérieux sur les parties communes - dégradations structurelles, problèmes de solidité - mais sans risque vital immédiat. Le bâtiment ne va pas s'effondrer demain matin, mais il faut intervenir.

La procédure laisse un peu de temps pour s'organiser. Le maire adresse d'abord une mise en demeure au syndic, qui dispose de deux mois pour alerter les copropriétaires. Ensuite, un délai d'au moins un mois est accordé pour réaliser les travaux prescrits. L'arrêté peut également prévoir une interdiction temporaire d'habiter si nécessaire.

Le péril imminent : l'urgence absolue

Là, on change de dimension. L'arrêté de péril imminent s'applique quand il y a une menace réelle et immédiate pour la sécurité : risque d'effondrement, danger vital pour les occupants ou les passants.

Tout s'accélère. Une expertise est ordonnée via le tribunal administratif dans les 24 heures. L'évacuation peut être immédiate. Des mesures d'urgence sont prises sans attendre, pouvant aller jusqu'à la démolition partielle si nécessaire.

Point important : l'expert administratif est obligatoire pour constater le péril imminent. Sans cette expertise, l'arrêté peut être annulé pour vice de procédure.

Les conséquences pour la copropriété : on fait quoi maintenant ?

Un arrêté de péril, ce n'est pas juste un papier officiel à classer dans un dossier. C'est le début d'un marathon administratif et financier pour le syndicat des copropriétaires.

Les travaux : obligatoires et votés en AG

Les travaux prescrits par l'arrêté doivent être votés en assemblée générale à la majorité de l'article 24 (majorité simple des présents et représentés). C'est une majorité allégée, justement parce qu'il s'agit de travaux imposés par l'autorité publique.

Le financement se fait via des appels de fonds, répartis entre copropriétaires selon leurs tantièmes. Et si le syndicat traîne des pieds ? La commune peut imposer une astreinte allant jusqu'à 1 000 € par jour et par lot. Ça pique.

La substitution communale : quand la mairie prend les choses en main

Si le syndicat des copropriétaires ne réagit pas dans les délais, la commune peut réaliser les travaux d'office, à la place de la copropriété. Pratique ? Pas vraiment. Car elle récupère ensuite l'intégralité des coûts auprès des copropriétaires, majorés d'intérêts, via le fisc.

Autrement dit : mieux vaut gérer soi-même que laisser la mairie s'en charger.

La suspension des loyers : le coup dur pour les bailleurs

C'est souvent la conséquence la plus douloureuse pour les copropriétaires bailleurs. Dès le mois suivant la notification de l'arrêté, les loyers et charges cessent d'être dus par les locataires.

La Cour de cassation l'a confirmé dans un arrêt du 20 octobre 2016 (n°15-22680) : un arrêté de péril portant sur les parties communes suspend les loyers pour tous les lots, y compris ceux qui ne sont pas directement affectés par les désordres.

Et ce n'est pas tout : les bailleurs doivent reloger leurs locataires à leurs frais. Les propriétaires occupants, eux, continuent de payer leurs crédits et charges... sans pouvoir habiter leur logement.

La mainlevée : la lumière au bout du tunnel

Une fois les travaux réalisés, un expert vient constater que le danger est écarté. Le maire prend alors un arrêté de mainlevée, affiché publiquement, qui met fin aux restrictions. Les loyers peuvent reprendre, les occupants peuvent réintégrer les lieux.

Le rôle du syndic : en première ligne

Le syndic de copropriété n'est pas un simple messager dans cette affaire. Il porte une responsabilité contractuelle de moyens pour la conservation de l'immeuble. Traduction : il doit anticiper les problèmes, pas attendre que la mairie débarque.

Ses obligations face à un arrêté de péril

Dès réception de la mise en demeure, le syndic doit alerter les copropriétaires dans les deux mois, présenter ses observations à la commune, soumettre les travaux au vote en AG (à la majorité de l'article 24), et exécuter les travaux dans les délais impartis sous peine d'astreinte.

En cas d'urgence vitale - péril imminent avec risque pour les personnes - le syndic peut même engager des travaux de sécurisation seul, sans attendre le vote de l'AG. Il devra ensuite faire ratifier sa décision par les copropriétaires.

Sa responsabilité en cas de négligence

Un syndic qui ignore les signaux d'alerte s'expose à de sérieux ennuis. Infiltrations signalées mais non traitées, expertises retardées, AG repoussées... Si la négligence est prouvée, sa responsabilité civile professionnelle peut être engagée.

Les copropriétaires peuvent alors demander des dommages et intérêts pour les préjudices subis : perte de jouissance, loyers suspendus, frais de relogement... La jurisprudence est claire sur ce point : un syndic qui ferme les yeux sur des dégradations répétées engage sa faute.

Les recours possibles ? Révocation du syndic en AG, saisine du tribunal pour indemnisation, ou déclaration directe auprès de l'assurance du syndic. À noter : l'absence de quitus lors d'une AG précédente ne protège pas le syndic contre une action ultérieure.

Vendre un lot malgré un arrêté de péril : possible, mais compliqué

Question fréquente : peut-on vendre son appartement si l'immeuble est sous arrêté de péril ? La réponse est oui, mais avec de sérieuses contraintes.

L'obligation d'information : pas de cachotteries

Le vendeur doit informer l'acquéreur par écrit de l'existence de l'arrêté (affiché à l'entrée de l'immeuble et inscrit au fichier des arrêtés), des travaux prescrits et de leur coût estimé, des conséquences comme l'interdiction d'habiter ou la suspension des loyers.

Le notaire vérifie ces mentions dans l'acte de vente et peut exiger un chiffrage expert des travaux. Omettre volontairement ces informations expose le vendeur à l'annulation de la vente pour vice de consentement ou dol.

L'impact sur le prix : préparez-vous à négocier

Sans surprise, un lot sous arrêté de péril se vend beaucoup moins cher. La décote peut atteindre 50 à 80 % de la valeur normale, selon la gravité des travaux à réaliser.

Les acheteurs potentiels ? Généralement des investisseurs ou des marchands de biens prêts à assumer le risque financier. Il existe même des sociétés spécialisées dans le rachat de lots en péril.

Qui paie les travaux en cas de vente ?

C'est LA question qui frise les négociations. Les travaux prescrits par l'arrêté sont à la charge du syndicat des copropriétaires, répartis selon les tantièmes. Mais qui paie concrètement : le vendeur ou l'acquéreur ?

Le principe : la date de l'appel de fonds fait foi

Le paiement incombe au copropriétaire en titre au moment où l'appel de fonds devient exigible.

Avant la signature de l'acte authentique, le vendeur paie les appels de fonds reçus jusqu'à la notification de la vente au syndic par le notaire. Après la vente, l'acquéreur assume les appels de fonds postérieurs, même si les travaux ont été votés avant la transaction.

Le notaire prélève souvent une provision sur le prix de vente pour sécuriser les dettes du vendeur et éviter que l'acquéreur ne se retrouve à payer des charges antérieures.

La négociation : tout est possible (ou presque)

Les parties peuvent négocier une clause contraire dans le compromis de vente. Le vendeur peut accepter de prendre en charge l'intégralité des travaux, ou au contraire, l'acquéreur peut les assumer en échange d'une baisse de prix.

Cette répartition doit être explicitée clairement. Sans clause spécifique, c'est la règle légale qui s'applique.

Attention au péril imminent

En cas de péril imminent, les travaux de sécurisation doivent être financés immédiatement par le syndicat, avant toute vente. L'acquéreur hérite des astreintes et des éventuelles substitutions communales futures. Acheter un lot en péril imminent sans connaître précisément les coûts à venir, c'est jouer à la roulette russe financière.

Quand le péril vient de chez le voisin

Tous les arrêtés de péril ne sont pas causés par le vieillissement de l'immeuble. Parfois, le danger vient d'un copropriétaire un peu trop bricoleur... ou de son locataire.

Le scénario classique ? La fameuse douche à l'italienne. Pour gagner quelques centimètres de hauteur et poser un receveur extra-plat, on creuse la dalle. Sauf que derrière cette dalle, il y a parfois... la voûte de la cave du voisin d'en dessous. Résultat : une structure fragilisante, un risque d'effondrement, et bonjour l'arrêté de péril.

Autre grand classique : le mur porteur abattu pour "ouvrir l'espace" et agrandir le salon. Sur le papier, ça fait très magazine déco. Dans la réalité, ça peut mettre en danger tout l'immeuble.

Le conseil : toujours demander AVANT de toucher à quoi que ce soit

Avant d'entamer des travaux qui touchent à la structure - même dans votre lot privatif - il faut impérativement contacter le syndic et obtenir l'accord de l'assemblée générale. Pourquoi ? Parce que les murs porteurs, les dalles, les planchers... ce sont des parties communes, même s'ils se trouvent "chez vous".

Si le syndic ou le conseil syndical a le moindre doute sur l'impact de vos travaux, il vous demandera de fournir l'avis et le rapport d'un ingénieur structure. C'est normal, et c'est même rassurant.

Notre conseil : prévoyez que votre ingénieur puisse intervenir lors de l'assemblée générale pour présenter votre projet et répondre aux questions des autres copropriétaires. Un expert qui explique que "tout est sécurisé" vaut mieux qu'un voisin qui s'inquiète de voir sa cave s'effondrer. Ça facilite le vote et ça évite les conflits.

Le meilleur remède : la prévention

On ne va pas se mentir : un arrêté de péril, c'est souvent le résultat de plusieurs années de laisser-aller. Des petites infiltrations qu'on repousse, une façade qui se fissure sans qu'on s'en occupe, un ravalement voté mais jamais lancé...

La meilleure façon d'éviter le scénario catastrophe ? Entretenir son immeuble au fil de l'eau.

Réparer une fuite dès qu'elle apparaît coûte quelques centaines d'euros. Attendre qu'elle provoque des dégâts structurels peut coûter des dizaines de milliers d'euros, sans compter les loyers perdus et le stress pour tout le monde.

Un syndic réactif, c'est un syndic qui traite les problèmes quand ils sont encore petits. Qui fait voter les travaux nécessaires sans attendre. Qui tient à jour le carnet d'entretien et anticipe les gros chantiers. Bref, qui évite à la copropriété de se retrouver un jour avec un courrier de la mairie dans la boîte aux lettres.

Questions fréquentes

Quelle est la différence entre péril et insalubrité ?

Le péril concerne la solidité du bâtiment et la sécurité des personnes (risque d'effondrement). L'insalubrité concerne les conditions d'habitabilité et de santé (humidité, ventilation, nuisibles...). Les deux procédures sont distinctes et peuvent parfois se cumuler.

Le syndic peut-il engager des travaux sans vote en AG ?

Oui, en cas d'urgence vitale liée à un péril imminent. Il doit ensuite faire ratifier sa décision par l'assemblée générale. En dehors de ce cas extrême, les travaux doivent être votés.

Combien de temps dure un arrêté de péril ?

Jusqu'à ce que les travaux soient réalisés et que la mainlevée soit prononcée par le maire après constat d'expert. Cela peut prendre quelques mois... ou plusieurs années si la copropriété tarde à agir.

Les travaux peuvent-ils être échelonnés ?

Oui, un paiement échelonné sur 10 ans maximum est possible (article 18 de la loi de 1965). Attention toutefois : en cas de vente du lot, une clause de déchéance peut rendre la totalité exigible immédiatement.

Peut-on contester un arrêté de péril ?

Oui, devant le tribunal administratif. Mais attention : pendant le recours, l'arrêté reste exécutoire. Ce n'est pas parce qu'on conteste qu'on peut ignorer les obligations.


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