Article 24, article 25, double majorité, passerelle... Si vous avez déjà assisté à une assemblée générale de copropriété, vous avez sûrement entendu ces termes sans vraiment comprendre ce qu'ils signifient. Et avouons-le : quand le syndic annonce "la résolution est adoptée à la majorité de l'article 25", la moitié de la salle hoche la tête en faisant semblant d'avoir suivi.
Pas de panique. On va décrypter tout ça ensemble, avec des exemples concrets. Et promis, à la fin de cet article, vous serez celui qui explique aux autres.
Pourquoi plusieurs majorités ?
Toutes les décisions en copropriété n'ont pas le même impact. Changer une ampoule dans le hall, ce n'est pas la même chose que vendre une partie des parties communes ou modifier le règlement de copropriété.
La loi du 10 juillet 1965 a donc prévu quatre niveaux de majorité, du plus souple au plus exigeant. Plus la décision est importante, plus il faut de voix pour l'adopter. Logique.
Notre copropriété exemple
Pour rendre les choses concrètes, prenons une copropriété type :
- 15 copropriétaires au total
- 1 000 tantièmes (la totalité des quotes-parts)
- 8 copropriétaires présents ou représentés à l'AG
- Ces 8 copropriétaires détiennent ensemble 600 tantièmes
On va appliquer chaque règle de majorité à cette situation.
La majorité simple (article 24) : les décisions courantes
Le principe
C'est la majorité par défaut, celle qui s'applique à toutes les décisions de gestion courante. Il faut obtenir plus de 50 % des voix des copropriétaires présents ou représentés.
Attention : on ne compte que les "pour" et les "contre". Les abstentions ne sont pas prises en compte dans le calcul.
Le calcul concret
Dans notre exemple, 8 copropriétaires sont présents ou représentés, détenant 600 tantièmes.
Pour adopter une résolution à l'article 24, il faut : plus de 300 tantièmes, soit au moins 301 tantièmes de votes favorables parmi les présents et représentés.
Si 5 copropriétaires votent "pour" (350 tantièmes), 2 votent "contre" (150 tantièmes) et 1 s'abstient (100 tantièmes) : la résolution est adoptée. On calcule sur 500 tantièmes (350 + 150), et 350 > 250.
Quelles décisions ?
L'article 24 s'applique notamment à l'approbation des comptes annuels, au vote du budget prévisionnel, aux travaux d'entretien courant, à l'autorisation donnée aux forces de l'ordre d'accéder aux parties communes, ou encore à la suppression du vide-ordures.
La majorité absolue (article 25) : les décisions importantes
Le principe
Là, ça se corse. La majorité absolue exige plus de 50 % des voix de tous les copropriétaires, qu'ils soient présents, représentés ou absents.
Autrement dit : même si quelqu'un ne vient pas à l'AG et ne donne pas de pouvoir, ses tantièmes comptent quand même dans le calcul. C'est ce qui rend cette majorité plus difficile à atteindre.
Le calcul concret
Dans notre copropriété de 1 000 tantièmes, il faut : plus de 500 tantièmes, soit au moins 501 tantièmes de votes favorables.
Problème : nos 8 copropriétaires présents ne détiennent que 600 tantièmes au total. Même s'ils votent tous "pour", ils atteignent 600 tantièmes. La résolution passe.
Mais imaginons que seulement 6 copropriétaires votent "pour" (450 tantièmes) et 2 votent "contre" (150 tantièmes). 450 < 501 : la résolution est rejetée, même si une large majorité des présents a voté "pour".
C'est là que l'absentéisme devient un vrai problème.
Quelles décisions ?
L'article 25 concerne les décisions engageantes : désignation ou révocation du syndic, élection ou révocation des membres du conseil syndical, travaux affectant la structure de l'immeuble, installation de compteurs individuels, vidéosurveillance, autorisation de travaux privatifs affectant les parties communes...
La double majorité (article 26) : les décisions structurantes
Le principe
C'est la majorité la plus exigeante (hors unanimité). Elle impose une double condition :
- La majorité des copropriétaires en nombre (plus de la moitié des personnes)
- ET ces copropriétaires doivent représenter au moins 2/3 des tantièmes
Les deux conditions doivent être réunies simultanément.
Le calcul concret
Dans notre copropriété de 15 copropriétaires et 1 000 tantièmes, il faut :
- Au moins 8 copropriétaires votant "pour" (plus de la moitié de 15)
- ET ces 8 copropriétaires doivent détenir au moins 667 tantièmes (2/3 de 1 000)
Imaginons que nos 8 copropriétaires présents (600 tantièmes) votent tous "pour". On a bien 8 copropriétaires, mais seulement 600 tantièmes. 600 < 667 : la résolution est rejetée.
Pour que ça passe, il faudrait que parmi les votants "pour", on trouve au moins 8 personnes représentant au moins 667 tantièmes. Autant dire qu'il faut une mobilisation importante.
Quelles décisions ?
L'article 26 s'applique aux décisions qui modifient profondément la copropriété : modification du règlement de copropriété, changement de destination de l'immeuble, actes de disposition sur les parties communes, création de syndicats secondaires, opérations de scission...
L'unanimité : le cas extrême
Le principe
L'unanimité requiert l'accord de tous les copropriétaires, sans exception. Un seul "contre" et c'est bloqué.
Le calcul concret
Dans notre copropriété, il faut : 15 copropriétaires votant "pour", soit 1 000 tantièmes.
Si un seul copropriétaire détenant 10 tantièmes vote "contre", la résolution est rejetée. C'est radical.
Quelles décisions ?
L'unanimité est réservée aux décisions qui touchent aux droits fondamentaux des copropriétaires : aliénation d'une partie commune dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble, suppression du poste de concierge avec vente du logement, modification de la répartition des charges...
Pas de quorum en copropriété : vrai ou faux ?
VRAI. Contrairement à une idée reçue très répandue, il n'existe pas de quorum obligatoire en assemblée générale de copropriété. Une AG peut se tenir avec seulement deux copropriétaires présents.
La seule obligation légale : tous les copropriétaires doivent avoir été formellement convoqués.
Attention toutefois : si moins de 33 % des tantièmes sont représentés, les résolutions nécessitant les majorités qualifiées (articles 25 et 26) seront mathématiquement impossibles à adopter.
Les passerelles : le filet de sécurité
L'absentéisme en AG est un fléau. Pour éviter les blocages, l'ordonnance du 30 octobre 2019 a renforcé les "passerelles" permettant de revoter immédiatement à une majorité plus souple.
La passerelle de l'article 25-1
Si une résolution relevant de l'article 25 n'obtient pas la majorité absolue, mais recueille au moins 1/3 des voix de tous les copropriétaires, un second vote peut avoir lieu immédiatement à la majorité de l'article 24.
Exemple concret :
La désignation d'un nouveau syndic est soumise au vote. Pour être adoptée à l'article 25, il faut 501 tantièmes.
Résultat du premier vote : 400 tantièmes "pour", 200 "contre". La résolution est rejetée (400 < 501).
Mais 400 tantièmes représentent plus d'un tiers des 1 000 tantièmes totaux (seuil : 334). La passerelle s'applique !
Second vote immédiat à l'article 24 : il faut maintenant plus de 50 % des voix des présents et représentés. Avec 600 tantièmes présents, il faut plus de 300 tantièmes, soit 301. Avec 400 "pour", la résolution est adoptée.
La passerelle de l'article 26-1
Même logique pour la double majorité. Si une résolution relevant de l'article 26 n'est pas adoptée, mais qu'elle a recueilli l'approbation d'au moins la moitié des copropriétaires présents représentant au moins 1/3 des voix de tous les copropriétaires, un second vote peut avoir lieu immédiatement à la majorité de l'article 25.
Exemple concret :
Une modification du règlement de copropriété est soumise au vote (double majorité requise).
Premier vote : 6 copropriétaires "pour" (500 tantièmes), 2 "contre" (100 tantièmes).
Conditions article 26 : 8 copropriétaires minimum ET 667 tantièmes. On n'a que 6 copropriétaires "pour" → rejeté.
Mais on a bien la moitié des présents (6 sur 8) représentant plus d'un tiers des tantièmes totaux (500 > 334). La passerelle s'applique !
Second vote à l'article 25 : il faut 501 tantièmes. Avec 500 "pour", c'est encore insuffisant. La résolution reste rejetée.
Les passerelles ne font pas de miracles, mais elles donnent une seconde chance.
L'abus de majorité : quand les gros mangent les petits
Avoir la majorité ne donne pas tous les droits. La jurisprudence sanctionne l'abus de majorité : une décision prise par les copropriétaires majoritaires dans le seul but de favoriser leurs intérêts au détriment des minoritaires.
Exemple reconnu par les tribunaux : attribuer des places de parking en nombre insuffisant uniquement aux "gros" copropriétaires, sans contrepartie pour les autres (Cour de cassation, 11 mai 2006).
La sanction ? L'annulation pure et simple de la délibération, avec possibilité de dommages-intérêts. L'action doit être engagée dans un délai de 3 ans.
L'abus de minorité : quand un seul bloque tout
À l'inverse, un copropriétaire minoritaire qui utilise son droit de vote pour bloquer systématiquement les décisions avec l'intention de nuire peut être condamné pour abus de minorité.
Attention : s'opposer à une résolution parce qu'elle vous désavantage n'est pas un abus. La Cour de cassation a rappelé en 2019 que l'opposition d'un copropriétaire à une résolution, même si elle bloque le vote, ne constitue pas un abus de minorité si cette opposition est conforme à ses intérêts propres.
Il faut prouver l'intention de nuire, ce qui n'est pas évident.
Récapitulatif : le tableau des majorités
| Majorité | Règle de calcul | Seuil (copro de 1000/1000ᵉ) | Exemples de décisions |
|---|---|---|---|
| Article 24 | > 50% des présents/représentés | > 300/600 = 301 | Comptes, budget, entretien courant |
| Article 25 | > 50% de TOUS les copropriétaires | > 500/1000 = 501 | Syndic, conseil syndical, travaux structurels |
| Article 26 | > 50% en nombre + ≥ 2/3 des tantièmes | 8 personnes + 667 | Règlement, destination, parties communes |
| Unanimité | 100% des copropriétaires | 15 personnes = 1000 | Aliénation nécessaire, répartition charges |
Questions fréquentes
Que se passe-t-il si un copropriétaire détient plus de 50 % des tantièmes ?
Pour éviter qu'un seul copropriétaire ne décide de tout, l'article 22 de la loi de 1965 prévoit une réduction automatique de ses voix. Son nombre de voix est ramené à la somme des voix des autres copropriétaires. La Cour de cassation a précisé en 2008 que cette réduction s'applique par rapport à l'ensemble des copropriétaires, pas seulement les présents.
Une résolution votée à la mauvaise majorité est-elle nulle ?
Pas forcément. Si une résolution est votée à une majorité moins exigeante que requise (par exemple article 24 au lieu de 25), mais qu'elle obtient quand même le nombre de voix nécessaires à la majorité supérieure, elle reste valide. C'est une erreur de forme, pas de fond.
Peut-on contester une décision d'AG ?
Oui, devant le tribunal judiciaire, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du PV. Les motifs possibles sont nombreux : non-respect des délais de convocation, erreur dans le décompte des tantièmes, modification d'une résolution en cours de séance, pression exercée sur les votants...
Les passerelles sont-elles obligatoires ?
Oui, depuis l'ordonnance du 30 octobre 2019. Si les conditions sont réunies (1/3 des voix pour la passerelle 25-1), le second vote doit être organisé. Ce n'est plus une faculté, c'est une obligation légale.
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