Responsabilité du syndic : ce que le quitus ne protège pas
guides
24 décembre 2025
7 min de lecture
5 vues

Responsabilité du syndic : ce que le quitus ne protège pas

Tom Lemeille

Article publié le 24 décembre 2025

Responsabilité du syndic : ce que le quitus ne protège pas

"On lui a donné quitus, c'est terminé." Cette phrase, souvent entendue en assemblée générale, est juridiquement fausse. Le quitus protège le syndic, mais pas de tout. La Cour de cassation l'a encore rappelé en 2024 : un copropriétaire lésé conserve des recours, même après un vote favorable à la gestion du syndic. Ce guide décrypte les mécanismes de responsabilité et les limites réelles de la protection qu'offre le quitus.


Approbation des comptes vs quitus : deux votes, deux portées

Beaucoup de copropriétaires confondent ces deux résolutions, pourtant distinctes dans leur objet et leurs effets juridiques.

L'approbation des comptes

L'approbation des comptes porte sur la régularité comptable de l'exercice écoulé. Elle valide que les chiffres présentés (dépenses, recettes, répartitions) sont conformes aux écritures et aux décisions votées. L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 impose au syndic de soumettre ces comptes à l'assemblée générale annuelle.

Point essentiel : l'approbation des comptes du syndicat ne constitue pas une approbation du compte individuel de chaque copropriétaire. La Cour de cassation l'a clairement établi dans un arrêt du 12 novembre 2019 : cette approbation est définitive et ne peut être remise en cause, sauf découverte d'une fraude manifeste.

Le quitus

Le quitus va plus loin : il reconnaît que le syndic a correctement assumé l'ensemble de sa mission de gestion — comptable, administrative, technique — pendant l'exercice considéré. C'est une forme de "satisfaction générale" votée par l'assemblée.

Mais attention : le quitus n'est pas obligatoire. L'assemblée peut approuver les comptes tout en refusant de donner quitus, signalant ainsi des réserves sur certains aspects de la gestion sans remettre en cause les chiffres eux-mêmes.


Ce que le quitus ne couvre PAS : la jurisprudence de 2024

L'arrêt de la Cour de cassation du 29 février 2024 (n° 22-24.558) a apporté une clarification majeure. La haute juridiction affirme que :

"Le quitus donné par l'assemblée générale est sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis d'un copropriétaire."

Concrètement, cela signifie que même si l'AG a voté le quitus à l'unanimité, un copropriétaire qui a subi un préjudice personnel peut toujours engager la responsabilité du syndic devant les tribunaux.

Les limites établies par la jurisprudence

La Cour de cassation a précisé que le quitus "n'est libératoire que pour les actes de gestion dont l'assemblée générale a eu connaissance et qu'elle a été à même d'apprécier". Sont donc exclus de la protection du quitus :

  • Les fautes dissimulées : si le syndic n'a pas informé l'AG d'un problème, le quitus ne le protège pas
  • Les manquements aux obligations d'ordre public : compte séparé, tenue des comptes, fonds travaux...
  • Les dommages personnels : préjudice subi individuellement par un copropriétaire
  • Les actes inconnus de l'AG : tout ce qui n'a pas été porté à la connaissance des copropriétaires

Les deux types de responsabilité du syndic

Pour comprendre ce qui peut être reproché à un syndic, il faut distinguer deux régimes juridiques différents.

La responsabilité contractuelle (envers le syndicat)

Le syndic est mandataire du syndicat des copropriétaires. À ce titre, il engage sa responsabilité contractuelle lorsqu'il manque à ses obligations de gestion. Les cas les plus fréquents :

  • Mauvaise tenue des comptes ou erreurs comptables répétées
  • Non-recouvrement des charges impayées
  • Retard dans l'exécution des décisions d'assemblée générale
  • Absence de mise en concurrence pour les contrats importants
  • Non-souscription des assurances obligatoires

Cette responsabilité est couverte par le quitus sans réserve, pour autant que les faits aient été portés à la connaissance de l'assemblée.

La responsabilité délictuelle (envers chaque copropriétaire)

Indépendamment de son mandat, le syndic peut causer un dommage personnel à un copropriétaire. C'est la responsabilité délictuelle, fondée sur l'article 1240 du Code civil (anciennement 1382).

Exemples concrets :

  • Travaux mal réalisés affectant spécifiquement votre lot
  • Défaut de signalement d'un danger ayant causé un sinistre chez vous
  • Non-exécution d'une décision d'AG vous concernant directement
  • Erreur de répartition des charges vous ayant fait payer plus que votre dû
  • Retard fautif dans des travaux urgents ayant aggravé un dégât des eaux

Cette responsabilité survit au quitus. Même un copropriétaire ayant voté le quitus peut agir, à condition de prouver son préjudice personnel et le lien de causalité avec la faute du syndic.


Les fautes qui coûtent cher : exemples de condamnations

La jurisprudence récente montre une sévérité croissante des tribunaux envers les syndics défaillants. Voici les principales catégories de fautes sanctionnées.

Erreurs comptables et opacité financière

  • Erreurs répétées d'enregistrement comptable
  • Absence ou mauvaise présentation des annexes obligatoires
  • Dépenses engagées sans autorisation de l'AG
  • Manque de transparence sur l'utilisation des fonds
  • Non-transmission des relevés bancaires au conseil syndical

Condamnation type : remboursement des sommes indûment prélevées + dommages-intérêts.

Non-exécution des décisions d'AG

  • Travaux votés mais jamais lancés ou abandonnés
  • Retards volontaires dans la signature de contrats approuvés
  • Non-recouvrement des charges malgré les relances du conseil syndical
  • Non-mise en œuvre de décisions pourtant exécutoires

Un syndic a été condamné à 75 000 € pour mauvaise gestion financière globale et errance administrative.

Non-séparation des comptes bancaires

Depuis la loi ALUR (2014), le syndic doit obligatoirement ouvrir un compte bancaire séparé au nom de chaque copropriété. Le mélange des fonds ou le détournement des intérêts bancaires engage directement sa responsabilité civile — et potentiellement pénale.

Défaut de vigilance et de sécurité

  • Non-signalement de dangers dans les parties communes (fissures, infiltrations, équipements défaillants)
  • Retard à procéder aux réparations urgentes
  • Absence de réaction face à des désordres signalés

Condamnation remarquable : 168 000 € pour réalisation de dépenses non autorisées dépassant les pouvoirs du syndic.


Les obligations d'ordre public : intouchables par le quitus

Certaines obligations du syndic sont d'ordre public : aucun vote de l'assemblée générale ne peut l'en dispenser, et le quitus ne peut les neutraliser.

Les principales obligations concernées

  • Compte bancaire séparé : obligatoire depuis 2014, sauf rare dérogation pour très petites copropriétés
  • Tenue d'une comptabilité d'engagement : selon le décret du 14 mars 2005
  • Présentation des 5 annexes comptables : sous peine de nullité de l'approbation
  • Constitution du fonds de travaux : obligatoire depuis 2025 pour toutes les copropriétés
  • Immatriculation au registre national : auprès de l'ANAH
  • Conservation des archives : 10 ans pour les pièces justificatives

Un syndic qui manque à ces obligations reste responsable, même après avoir reçu quitus.


Comment contester ou agir ?

Avant l'assemblée générale

  • Demandez des précisions : le conseil syndical peut exiger des explications sur les comptes
  • Formulez des réserves : notifiez-les par écrit avant le vote
  • Votez contre le quitus : l'approbation des comptes peut être votée sans le quitus
  • Faites inscrire vos observations au procès-verbal

Après l'assemblée générale

  • Contestation de la délibération : dans les 2 mois suivant la notification du PV pour les copropriétaires absents ou opposants
  • Action en responsabilité délictuelle : pour préjudice personnel, délai de 5 ans à compter de la connaissance du dommage
  • Signalement à la chambre professionnelle : pour les syndics professionnels, possibilité de saisine disciplinaire

Le rôle clé du conseil syndical

Le conseil syndical constitue le premier niveau de contrôle de la gestion du syndic. Ses attributions en matière comptable :

  • Examen régulier de l'avancement de la gestion (mensuel ou trimestriel)
  • Vérification de la concordance entre dépenses réalisées et budget voté
  • Contrôle des relevés bancaires du compte séparé
  • Préparation des annexes comptables avant l'AG
  • Signalement des anomalies au syndic et à l'assemblée

Un conseil syndical actif et vigilant réduit considérablement les risques de dérives. C'est aussi un atout en cas de contentieux : il démontre que le syndicat n'a pas été passif face aux manquements.


FAQ

Le quitus est-il obligatoire ? Non. L'approbation des comptes est obligatoire (résolution imposée par la loi), mais le quitus est une résolution distincte que l'assemblée peut refuser.

Peut-on approuver les comptes sans donner quitus ? Oui, absolument. C'est même recommandé si vous avez des réserves sur la gestion globale tout en reconnaissant que les chiffres sont exacts.

J'ai voté le quitus mais j'ai subi un préjudice personnel. Puis-je agir ? Oui. La Cour de cassation (29 février 2024) a confirmé que le quitus ne fait pas obstacle à une action en responsabilité délictuelle pour préjudice personnel.

Quel est le délai pour agir contre le syndic ? 5 ans à compter de la connaissance du dommage (prescription de droit commun). Pour la contestation d'une délibération d'AG : 2 mois après notification du PV.

Un syndic bénévole a-t-il les mêmes obligations ? Oui. Les obligations légales s'appliquent quel que soit le statut du syndic. Seule la responsabilité professionnelle (garantie financière, assurance RC Pro) diffère.


À retenir

  • Le quitus protège le syndic de sa responsabilité contractuelle envers le syndicat, pour les actes connus de l'AG
  • Il ne le protège pas de sa responsabilité délictuelle envers les copropriétaires individuellement
  • Les obligations d'ordre public (compte séparé, comptabilité, fonds travaux) ne peuvent pas être neutralisées par un vote
  • Un copropriétaire lésé dispose de 5 ans pour agir, même après un quitus voté
  • Le conseil syndical est le premier rempart contre les dérives de gestion

Votre syndic manque de transparence ? Chez Beamô, la confiance se construit sur la clarté. Comptes accessibles, réponses rapides, et une gestion que vous pouvez suivre.

→ Découvrez notre approche

Image

Partager cet article

Tags

JuridiqueSyndicGuidesAssemblée générale

Besoin d'un syndic de confiance ?

Beamô vous accompagne dans la gestion de votre copropriété avec transparence et réactivité.