Votre syndic ne répond plus aux mails depuis trois mois. Les comptes sont flous. L'assemblée générale de l'année dernière n'a toujours pas eu lieu. Bref, la coupe est pleine. Mais peut-on vraiment se séparer de son syndic comme on rompt avec un mauvais prestataire ? La réponse est oui... mais pas n'importe comment.
La révocation du syndic : possible, mais encadrée
Commençons par la bonne nouvelle : oui, une copropriété peut révoquer son syndic à tout moment, même en cours de mandat. C'est le principe de base du droit des contrats : le mandant (ici, le syndicat des copropriétaires) peut mettre fin au mandat de son mandataire (le syndic) quand il le souhaite. C'est l'article 2004 du Code civil.
Maintenant, la nuance importante : ce pouvoir n'est pas absolu. Une révocation sans motif sérieux peut être qualifiée d'abusive et ouvrir droit à des dommages-intérêts pour le syndic. En clair : si vous virez votre syndic sur un coup de tête, ça peut vous coûter cher.
Pourquoi la majorité compte (beaucoup)
La révocation du syndic se vote en assemblée générale à la majorité de l'article 25. C'est la majorité absolue : il faut réunir plus de la moitié des voix de tous les copropriétaires, pas seulement des présents. C'est la même majorité que pour sa désignation - logique, c'est le parallélisme des formes.
Si cette majorité n'est pas atteinte mais que la résolution recueille au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires, un second vote peut avoir lieu immédiatement à la majorité de l'article 24 (majorité des présents et représentés). C'est le mécanisme de l'article 25-1, et il peut sauver la mise.
Et si même le tiers n'est pas atteint ? Il faudra convoquer une nouvelle AG dans les trois mois pour retenter le vote à la majorité de l'article 24.
Les motifs légitimes : le nerf de la guerre
C'est LE point crucial. Pour révoquer un syndic en cours de mandat sans risquer de devoir l'indemniser, il faut des motifs légitimes et sérieux. Pas juste "on ne s'entend plus" ou "le voisin du 3e ne l'aime pas".
La jurisprudence reconnaît comme motifs légitimes les manquements graves aux obligations du syndic. Concrètement, ça peut être le non-respect des délais pour convoquer l'assemblée générale annuelle, l'absence de compte séparé alors qu'il est obligatoire, des retards répétés dans le paiement des fournisseurs, le défaut de transmission des documents comptables, la non-exécution des décisions votées en AG, ou encore un défaut d'entretien ayant entraîné des dégâts. Et pourquoi pas un constat d’huissier ?
L'idée générale : le syndic n'a pas fait son travail correctement, et vous pouvez le prouver.
Constituer son dossier : la clé du succès
Avant de dégainer la révocation, prenez le temps de rassembler les preuves. C'est ce qui fera la différence en cas de contestation.
Quoi collecter ? Les courriers de mise en demeure envoyés en recommandé (et restés sans réponse), les mails de relance avec accusé de réception, les PV d'assemblées générales mentionnant les dysfonctionnements, les rapports du conseil syndical pointant les problèmes, et tout document prouvant les manquements (factures impayées, comptes non transmis, travaux non réalisés...).
Notre conseil : avant d'engager la procédure de révocation, envoyez une mise en demeure formelle au syndic listant précisément ses manquements et lui demandant d'y remédier sous un délai raisonnable. S'il ne réagit pas, vous aurez une preuve supplémentaire de sa défaillance.
La procédure pas à pas
Une fois le dossier constitué, voici comment procéder.
Étape 1 : Trouver un remplaçant
Avant même de parler révocation, cherchez un nouveau syndic. Demandez des devis, comparez les contrats. Pourquoi ? Parce que la convocation de l'AG devra obligatoirement inclure les projets de contrats des syndics candidats. Sans remplaçant, pas de révocation possible.
Étape 2 : Demander l'inscription à l'ordre du jour
Envoyez au syndic une lettre recommandée avec AR demandant l'inscription à l'ordre du jour de deux résolutions : la révocation du syndic actuel pour motifs légitimes (en les rappelant brièvement), et la désignation du nouveau syndic (avec son contrat en annexe).
Faites-le au moins deux mois avant la date souhaitée de l'AG pour laisser le temps de préparer la convocation.
Étape 3 : Si le syndic traîne des pieds
Votre syndic refuse de convoquer l'AG ou fait la sourde oreille ? Deux options s'offrent à vous.
Première option : le conseil syndical ou des copropriétaires représentant au moins un quart des voix peuvent demander officiellement la convocation d'une AG (article 8 du décret de 1967). Si le syndic n'obtempère pas sous 8 jours, le président du conseil syndical peut convoquer lui-même.
Deuxième option : le conseil syndical invoque l'article 18 VIII de la loi de 1965, qui prévoit une procédure spécifique en cas d'inexécution suffisamment grave. Le syndic dispose alors de deux mois minimum pour convoquer l'AG. Passé ce délai, le président du conseil syndical prend la main.
Étape 4 : La convocation
Qu'elle soit envoyée par le syndic ou par le président du conseil syndical, la convocation doit respecter le délai légal de 21 jours minimum avant l'AG ( sauf clause spécifique dans votre règlement de copropriété qui peut allonger ce délai). Elle doit mentionner clairement les résolutions de révocation et de désignation du nouveau syndic, et inclure les projets de contrats en annexe.
Conseil pratique : joignez à la convocation une note, un rapport du conseil syndical exposant les motifs de la révocation, pièces à l'appui. Les copropriétaires voteront en connaissance de cause.
Étape 5 : Le jour J
Le syndic dont la révocation est envisagée peut assister à l'AG et se défendre. C'est normal, c'est le principe du contradictoire. En revanche, s'il est lui-même copropriétaire, il ne peut pas voter sur sa propre révocation - conflit d'intérêts oblige.
Le vote se fait à la majorité de l'article 25. Si elle n'est pas atteinte mais que vous avez au moins un tiers des voix, vous pouvez immédiatement revoter à la majorité de l'article 24.
Étape 6 : Désigner le nouveau syndic
Si la révocation est adoptée, on passe immédiatement au vote de désignation du nouveau syndic (même majorité). La prise de fonction est généralement fixée au lendemain l'AG pour éviter tout vide de gestion.
Depuis la loi ALUR, c'est d'ailleurs automatique : la désignation d'un nouveau syndic dont la prise de fonction intervient avant la fin du mandat de l'ancien vaut révocation de ce dernier (article 18 V de la loi de 1965). Ceinture et bretelles.
Étape 7 : Les formalités post-révocation
Une fois le nouveau syndic en place, il faut prévenir rapidement la banque (changement de signataire sur le compte), les fournisseurs et prestataires (pour éviter qu'ils continuent à traiter avec l'ancien syndic), et l'assurance de l'immeuble.
L'ancien syndic doit remettre tous les documents et fonds de la copropriété au nouveau dans un délai d'un mois pour les pièces courantes, et trois mois pour les archives complètes.
L'alternative : attendre la fin du mandat
Si le mandat de votre syndic arrive bientôt à échéance, la solution la plus simple est souvent de ne pas le renouveler plutôt que de le révoquer.
Avantage : pas besoin de justifier de motifs légitimes. Le mandat prend fin naturellement, vous désignez un nouveau syndic, point final. Pas de risque d'indemnisation.
Il faut quand même inscrire à l'ordre du jour le non-renouvellement du syndic sortant et la désignation du nouveau, et respecter les mêmes règles de majorité.
Ce qu'il se passe si la révocation est abusive
Révoquer un syndic sans motif sérieux, c'est s'exposer à des poursuites. La jurisprudence est constante sur ce point.
L'arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 1988 (n°86-11.718) a posé le principe : la révocation ne peut être abusive, et en l'absence de motif légitime, le syndic peut prétendre à des dommages-intérêts. Plus récemment, un arrêt du 3 avril 2002 (n°01-00.490) a confirmé que le syndic révoqué abusivement peut réclamer ses honoraires jusqu'à la fin normale de son mandat.
En pratique, les tribunaux accordent souvent au syndic révoqué sans motif l'équivalent de ce qu'il aurait perçu jusqu'au terme de son contrat. Autant dire que ça peut représenter une somme conséquente.
D'où l'importance capitale de documenter les manquements et de respecter scrupuleusement la procédure.
Questions fréquentes
Le syndic peut-il refuser de convoquer l'AG pour sa propre révocation ?
Il peut essayer de gagner du temps, mais il ne peut pas s'y opposer indéfiniment. Si le conseil syndical ou un quart des copropriétaires demandent la convocation et que le syndic ne s'exécute pas sous 8 jours, le président du conseil syndical peut convoquer lui-même l'assemblée.
Combien de temps dure la procédure ?
En comptant la constitution du dossier, la demande d'inscription à l'ordre du jour, le délai de convocation et l'AG elle-même, il faut généralement compter entre deux et quatre mois. Plus si le syndic fait de la résistance.
Que se passe-t-il si l'ancien syndic refuse de transmettre les documents ?
C'est une faute qui peut engager sa responsabilité. Le nouveau syndic peut le mettre en demeure, puis saisir le tribunal si nécessaire. Des astreintes peuvent être prononcées pour forcer la transmission.
Peut-on révoquer le syndic et rester sans syndic ?
Non. Une copropriété doit obligatoirement avoir un syndic pour fonctionner. La révocation doit toujours s'accompagner de la désignation d'un nouveau syndic dans la même AG.
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